Ar Men
Encyclopedia
Ar Men is a lighthouse
at one end of the Chaussée de l'Île de Sein
, at the west end of Brittany
. It shares its name with the rock on which it was erected between 1867 and 1881.
Ar Men is one of the best known lighthouses because of its isolated situation and the considerable difficulties its construction has presented, and the danger in evacuating its personnel. Considered as one of the most challenging workplaces by the community of lighthouse keepers, it has been named "The Hell of Hells".
The light was automated and electrified on 10 April 1990 with a 250 watt halogen lamp. Its signal is three white flashes every twenty seconds, with an accompanying signal of three sounds every sixty seconds.
s les plus connus, en raison de son caractère isolé, des difficultés considérables qu'a présenté sa construction et du danger qu'il y avait à relever son personnel. Dans le petit monde des phares en mer, dont font partie notamment Kéréon, La Vieille
ou encore La Jument, c'est sans doute le plus mythique. Considéré comme un lieu de travail extrêmement éprouvant par la communauté des gardiens de phare, il a été surnommé par ces derniers « L'Enfer des Enfers » . Il n'était pas rare que, dans des conditions difficiles de mer et de vent, on ne puisse pas relever les équipes tous les 15 jours comme de normal. Les coups de boutoir portés par la grande houle pendant les tempêtes faisaient trembler tout l'édifice et pouvaient faire tomber tout ce qui était accroché aux murs, rendant ces périodes particulièrement insupportables pour les gardiens.
s, cette zone de récifs qui s’étend sur près de 13 milles nautiques (24 km) à l’ouest de l’île de Sein
est excessivement dangereuse. À l’époque de ce drame, aucun balisage
n’existe, excepté un alignement établi entre les phares de la Pointe du Raz
et de Sein, depuis 1825. Mais ce repère ne signale que l’orientation de la Chaussée et, par mauvais temps, la portée des feux est insuffisante pour être d’un quelconque secours.
Les protestations indignées des maréchaux à la suite de la disparition de la Sané vont achever de convaincre la commission des phares, au sein du ministère des Travaux Publics, de l'urgence d’établir un feu à l’extrémité ouest de la Chaussée. L’installation d’un bateau-feu étant impossible, à cause de la violence de la mer à cet endroit et de la trop grande profondeur d’eau (plus de 70 mètres), c’est sur le projet de construction d’un phare
que commencent alors à travailler les ingénieurs de la commission.
La recherche d’un site propice à une telle construction débute dès l’année 1860. Trois roches situées à l’extrémité occidentale de la Chaussée de Sein sont repérées, dont l’une qui porte le nom d’Ar-Men. Cependant, aucune d’elles n’émerge suffisamment au-dessus des flots pour qu’il paraisse envisageable d’y construire quoi que ce soit. Ar-Men pourrait peut être offrir une assise suffisante (surface de 105 m²) et s’élève tout de même à 4,2 mètres au-dessus des plus basses eaux, mais il paraît impossible d’y accoster.
L’année suivante, une autre campagne de repérage est effectuée sur la Chaussée à l’occasion des grandes marées de l’équinoxe
de printemps. Mais l’équipe d’ingénieurs, embarquée à bord du Souffleur, rentre bredouille de ses trois sorties au large de l’île de Sein
, avec la ferme conviction que .
En dépit des qualificatifs utilisés dans ce rapport, la direction de la commission des Phares ne veut pas renoncer à ce projet. De nouvelles opérations de reconnaissance sont effectuées, et finalement, en procédant par éliminations successives, les ingénieurs impliqués dans ces études se persuadent que la roche appelée Ar-Men offre la moins mauvaise solution… Toutefois, lorsqu’en 1865, leur confrère Paul Joly se rend sur les lieux pour commencer à préparer les travaux, il ne parvient qu’à entrevoir le rocher, noyé en permanence sous l’écume, et conclut son rapport d’expédition en ces termes : .
Pourtant, la Marine
insiste et dépêche sur la Chaussée de Sein l’ingénieur hydrographe Ploix qui, tout en reconnaissant l’incroyable difficulté du projet, se montre plus optimiste quant à la possibilité de bâtir un phare sur Ar-Men. Son rapport emporte finalement l’adhésion des ingénieurs de la commission des Phares, et au mois d’août 1866, Paul Joly retourne à ArMen, dont il revient avec des croquis qui lui permettent de préparer le chantier de construction du phare. Dès lors, il n’y aura plus de retours en arrière, en dépit des problèmes considérables qu’il faudra résoudre en cours de chantier.
, qu’une chaloupe à vapeur conduit à Ar-Men dès que le temps et la marée sont favorables. Équipés d’espadrilles antidérapantes et de ceintures de sauvetage en liège, ces ouvriers d’occasion débarquent sur la roche par équipes de deux, et sont souvent contraints de s’y coucher pour ne pas être emportés par les vagues qui déferlent sur eux. Un canot reste en permanence à proximité pour récupérer les malheureux qui, de temps à autre, sont jetés à la mer. Le bilan de cette première campagne est maigre : 100 heures de service, 13 débarquements ajournés, 9 réussis, 8 heures de travail effectif sur la roche, 15 trous percés. L'année suivante, en 1868, le chantier progresse plus vite, grâce notamment à un temps clément et un conducteur de travaux particulièrement intrépide. Cette fois, à la faveur de 17 débarquements (18 heures de travail effectif), 40 trous sont percés et une rigole circulaire est creusée dans la roche, pour y encastrer la base de la maçonnerie.
Les premières pierres — des moellons de Kersanton — sont posées en mai 1869. Le ciment est préparé à l'eau de mer. À la fin de la saison, en octobre, 25 mètres cubes de maçonnerie s'élèvent sur Ar-Men, ce qui donne une moyenne d'un mètre cube par accostage, pour un total de 42 heures et 10 minutes de travail effectif. Ces beaux résultats sont d'autant plus méritoires que la tâche reste très dangereuse. Un marin reste constamment posté sur la roche avec pour seule mission de surveiller l'arrivée d'éventuelles déferlantes. Cela dit, le jeune ingénieur en charge du chantier, Alfred Cahen, est alors persuadé que le projet de construction sera mené à son terme. La suite de l'histoire lui donne raison, même si certaines années les accostages sont à peine plus nombreux qu'au début des travaux, et qu'il faut bien souvent refaire, en début de saison, ce que les tempêtes hivernales ont détruit ou abîmé.
Étonnamment, très peu d'accidents graves sont à déplorer. En fait, plusieurs drames sont évités de justesse, grâce sans doute à la compétence des marins engagés dans les opérations. C'est ainsi par exemple que le 15 juin 1878, alors que la mer commence à grossir dangereusement, un canot évacuant 14 ouvriers est renversé par une lame
. Malgré le mauvais temps, tous les naufragés sont pourtant récupérés et se retrouvent dès le lendemain sur le chantier ! Un an après cet épisode, un autre groupe d'ouvriers est contraint de sauter à la mer pour rejoindre les canots qui ne peuvent plus accoster le rocher, à cause de hautes vagues qui ont fait soudainement leur apparition. En juillet 1880, un canot transportant 5 hommes est à nouveau renversé au pied du phare. Là encore, tous ses occupants sont récupérés. L'année suivante cependant, deux ouvriers sont à leur tour enlevés par une déferlante, alors qu'ils sont sur le canot qui les conduit au phare : l'un d'eux se noie, n'ayant pas "capelé" sa ceinture de sauvetage correctement. La chance n'a donc pas souri jusqu'au bout aux bâtisseurs d'Ar-Men.
Enfin, au terme de 14 années de travaux, le feu est testé le 18 février 1881, puis officiellement mis en service le 30 août de la même année. Toutefois, l'épopée de la construction n'est pas terminée. Les ingénieurs de la commission des Phares sont en effet inquiets : jamais ils n'ont construit pareille tour
, presque simplement posée sur un rocher à peine plus large que la base du phare. Leur préoccupation est la suivante : le bâtiment est-il suffisamment stable, compte tenu de sa hauteur ? Ne risque-t-il pas d'être renversé par les vagues énormes qui l'assaillent lors des tempêtes ?
Au bout de quinze ans, Léon Bourdelles, directeur des Phares, met fin à ces inquiétudes : il décide de lancer des travaux visant à alourdir l'édifice et à en renforcer la base, après avoir fait refaire des calculs de stabilité qui montrent que le phare est effectivement trop léger. Commencé en 1897, le chantier ne s'achève qu'en 1902. Cette fois, l'édification du phare d'Ar-Men peut être considérée comme achevée. Et cent ans plus tard, la tour noire et blanche continue d'éclairer la terrible Chaussée de Sein, témoignant de la qualité extraordinaire du travail accompli par ses bâtisseurs.
s", 24 heures sur 24.
Pendant les quarts de nuit (les plus longs : 9 à 10 heures), le travail consistait en priorité à veiller au bon fonctionnement du feu dans la lanterne, mais aussi à observer l'horizon
maritime. Cette activité de surveillance nocturne était essentielle : elle devait permettre de repérer d'éventuels navires en détresse, de s'assurer que les phare
s et signaux lumineux alentour fonctionnaient correctement et que la visibilité restait suffisante pour que le feu soit perçu. Lorsqu'un incident de quelque importance était repéré, concernant un navire ou un phare voisin, le veilleur devait donner l'alerte par radio (installée dans les années 50). Quand c'est la brume qui s'installait, il fallait alors mettre en marche le moteur du signal sonore. Il semble que la vie dans le phare n'était jamais plus insupportable que pendant les moments où la très puissante corne de brume était en action.
Si les quarts de nuit se déroulaient pour l'essentiel dans la chambre de veille, sous la lanterne
, les quarts de jour (plus courts : 5 à 6 heures) n'exigaient pas une surveillance aussi attentive et pouvaient être mis à profit pour effectuer l'indispensable entretien des équipements et du bâtiment. Les gardiens devaient être capables de réparer à peu près tout et n'importe quoi sur le phare. En fait, il fallait d'abord qu'ils soient attentifs à repérer et changer le matériel vieillissant, pour prévenir les pannes, celles surtout qui touchaient au fonctionnement du feu et de l'optique.
Modernisation oblige, à partir des années 50, une formation d'électromécanicien était nécessaire pour occuper le poste. Délivrée à Brest, au "Centre de formation des électromécaniciens de phares", cette formation comprenait notamment des sessions portant sur l'électricité, la mécanique, la radiotéléphonie ou encore la soudure... À lui seul, le programme donne une bonne idée du genre d'interventions que devaient effectuer les gardiens. Il semble par ailleurs que l'une de leurs activités d'entretien les plus fréquentes ait été la peinture. Jean-Christophe Fichou cite à ce propos la remarque ironique d'un gardien : « C'est un peu comme dans la Royale, tu salues tout ce qui bouge et tu peints le reste ! » . Mais au quotidien, il fallait surtout nettoyer rigoureusement la lentille de l'optique, les vitres de la lanterne et les cuivres de la lampe.
Pour le reste, le gardien qui n'était pas de quart jouissait d'une totale liberté, sur un territoire il est vrai assez restreint et avec des sources de distraction limitées. Il pouvait ainsi tenir compagnie à son collègue, pêcher sur la plate forme si le temps le permettait, faire la cuisine (des recettes de gardiens d'Ar-Men sont passées à la postérité), écouter la radio, lire, communiquer par radio avec sa famille (tolérance de l'administration des Phares et balises), préparer du matériel de pêche, fabriquer des bateaux en bouteille (activité traditionnelle des gardiens de phares), ou même tricoter. La télévision a évidemment pris une grande place dans le quotidien de ces hommes isolés, lorsqu'elle a fait son apparition.
Les conditions de confort sur Ar-Men étaient par ailleurs très spartiates. Le phare n'était pas chauffé. L'éclairage intérieur s'effectuait, pendant fort longtemps, à la lampe à pétrole. Il n'y avait évidemment pas de salle de bain, mais chaque gardien avait tout de même sa chambre à coucher. À part la chambre de veille, la cuisine était la seule autre pièce commune habitable de la tour.
Il y avait tout d'abord les tempêtes, qui obligeaient les gardiens à s'enfermer à l'intérieur de la tour pendant parfois plusieurs jours. La violence des vagues et du vent leur interdisaient même d'ouvrir une fenêtre ou de sortir sur la galerie entourant la lanterne (à plus de trente mètres au-dessus du niveau de l'eau !) Il fallait supporter les coups sourds et les vibrations causées par chaque lame déferlant sur le phare, sans trop penser à l'éventualité que l'une de ces vagues énormes emporte la tour
, comme le craignaient ses architectes.
Après le passage de la tempête, il n'était pas rare d'avoir des réparations à effectuer : un carreau cassé à une fenêtre, une vitre de la lanterne
fêlée, des pierres arrachées au pied de la tour ou même la cuisine dévastée par l'eau, après que la porte du phare ait été enfoncée par une vague. Pourtant, cette pièce était pratiquement située à mi-hauteur du phare, au-dessus du magasin. Sa fenêtre était en verre dépoli épais et un panneau de bronze la protègeait par mauvais temps. C'est dire la force des éléments auxquels Ar-Men devait, et doit encore, faire face.
Et puis, il y a eu les accidents, parfois graves. En 1921, le gardien-chef Sébastien Plouzennec est emporté par une lame
, alors qu'il observe à la jumelle, au pied de la tour, un navire croisant dans les parages de la Chaussée de Sein. À la suite de ce drame, un garde-fou est installé tout autour de la plate-forme et du débarcadère. Néanmoins, d'autres gardiens connaissent la même fin tragique au cours du . Pour le gardien présent sur le phare au même moment, un tel accident constitue un véritable traumatisme, d'autant que des soupçons peuvent parfois finir par peser sur lui, si d'aventure ses relations avec le disparu étaient réputées mauvaises.
En décembre 1923, ce n'est pas de la mer que vient le danger, mais d'un incendie dans la cuisine. La tour se transforme rapidement en vaste cheminée et il n'y a pas d'autre solution pour les gardiens, alors en train de procéder à l'allumage du feu dans la lanterne, que de fuir par l'extérieur en se servant du cable du paratonnerre et du cartahu pour descendre sur la plate-forme. De là, ils parviennent à regagner la cuisine et finalement à vaincre le feu à l'aide de seaux d'eau de mer.
Comme sur tous les phares en mer, il y a également les histoires d'inimitiés entre gardiens. À Ar-Men, du temps où le phare était gardé par trois hommes (avant la Seconde Guerre mondiale), on raconte qu'un gardien exaspéré par ses deux collègues s'était caché dans le haut d'un placard mural, pour faire croire à sa disparition. Après d'infructueuses recherches, les deux hommes réunis dans la cuisine commencèrent à faire l'éloge de celui qu'ils croyaient mort, emporté par une vague. L'intéressé se manifesta alors. Il fut dénoncé par ses collègues furieux, et perdit son emploi.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les gardiens d'Ar-Men durent accueillir en permanence sur le phare trois soldats allemands. L'occupant avait imposé l'extinction pure et simple de la plus grande partie des phares français, manière radicale d'en prendre le contrôle. À Ar-Men, le feu ne devait être allumé que lors du passage de bâtiments de la marine
allemande dans les environs de la Chaussée de Sein ; les soldats en poste étant informés par radio de ces mouvements. En dépit de l'ambiance exécrable qui régnait alors sur le phare, l'un des gardiens sauva de la noyade un soldat qui s'était jeté à l'eau pour récupérer le cormoran
qu'il venait d'abattre avec son fusil d'assaut.
Mais les visiteurs n'étaient pas toujours indésirables. Par grand beau temps, il arrivait que l'équipage de la vedette
de ravitaillement puisse monter sur le phare et partager un verre avec les gardiens, à tour de rôle cependant. Parfois même, en été, en cours de relève, une femme utilisait le cartahu pour passer quelques minutes sur ce territoire exclusivement masculin et égayer ainsi de sa présence l'austère demeure.
À Ar-Men, la vedette devait idéalement se présenter au pied du phare trois quarts d'heure avant l'étale
. Il s'agissait alors d'établir le va-et-vient, puis d'effectuer le transbordement des hommes et des vivres, en veillant à la stabilité du bateau et à la sécurité du ravitaillement ou de l'homme suspendu au-dessus de l'eau. Pour ce faire, il fallait maintenir la proue du navire face à la houle
qui déferlait sur le phare, sans s'écarter de celui-ci. Attentif au déroulement de chaque série de vagues, le pilote pouvait être obligé de lancer la vedette de toute la force de ses moteurs en direction de la base du phare, pour résister à la poussée des plus grosses lames.
Pendant plusieurs décennies, la relève d'Ar-Men a été assurée par la Velléda
, commandée par Henri Le Gall, un véritable maître en la matière. Pourtant, même sous la direction de celui-ci, la manœuvre pouvait être mouvementée, comme le rappelle ce passage du récit qu'a consacré l'écrivain Jean-Pierre Abraham à son séjour sur Ar-Men :
« Lorsque j"ai quitté le pont de la Velléda, le va-et-vient n'a pas été viré assez vite et je suis passé longuement dans une vague, les matelots criaient. J'ai atterri dégoulinant sur le débarcadère. À travers mes lunettes brouillées d'eau je voyais les visages fantastiques de Clet et de Martin, parfaitement livides. L'eau est moins froide qu'on l'imagine. Nous avons éclaté de rire tous les trois. »
Comme sur tous les phares en mer, l'équipe de gardiens affectée à Ar-Men comptait trois membres : deux en service et un au repos à terre (sur l'île de Sein
en l'occurrence, où un logement leur était réservé au "Grand Monarque", maison appartenant aux Phares et balises). Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, chacun à son tour passait trente jours au phare et dix jours à terre. Ensuite, ce fut vingt jours au phare et dix jours à terre. À partir de 1971, le temps de service a été fixé à quatorze jours, suivi d'une période de repos de sept jours. Évidemment, ces règles n'étaient appliquées que dans la mesure où les conditions de mer le permettaient. À Ar-Men, il était fréquent que la relève doive être annulée à cause du mauvais temps. Et cela pouvait durer un bon moment : le record de temps passé sur le phare par un gardien est de plus de 100 jours...
"Temps permettant" donc, selon l'expression utilisée par les gardiens et les équipages du bateau de ravitaillement, la relève d'Ar-Men, à partir de 1971, avait lieu le jeudi en hiver et le vendredi en été. Aidé par les matelots de la vedette, c'est d'abord le gardien "montant", équipé d'une brassière de sauvetage et assis à califourchon sur le "ballon", qui utilisait le va-et-vient. Une fois sur la plate-forme du phare, il remplaçait au treuil le gardien "descendant" qui, à son tour, utilisait le "ballon" pour rejoindre le pont de la vedette, où les matelots s'efforçaient de lui offrir un "atterrissage" pas trop acrobatique. Ensuite, on passait les vivres et le matériel. Puis, pour finir et si nécessaire, on effectuait le plein d'eau, de pétrole et de gazole.
La dernière relève d'Ar-Men a eu lieu le 10 avril 1990. Daniel Tréanton et Michel Le Ru, les deux gardiens en service ce jour là, ont été hélitreuillés. Depuis l'automatisation, les visites d'entretien du phare s'effectuent par hélicoptère. Une fois par an des plongeurs inspectent la base du phare.
Optique
Feu
Signal sonore
Lighthouse
A lighthouse is a tower, building, or other type of structure designed to emit light from a system of lamps and lenses or, in older times, from a fire, and used as an aid to navigation for maritime pilots at sea or on inland waterways....
at one end of the Chaussée de l'Île de Sein
Île de Sein
The Île de Sein is a French island in the Atlantic Ocean, off Finistère, 8 kilometres from the Pointe du Raz , from which it is separated by the Raz de Sein. Its Breton name is Enez Sun...
, at the west end of Brittany
Brittany
Brittany is a cultural and administrative region in the north-west of France. Previously a kingdom and then a duchy, Brittany was united to the Kingdom of France in 1532 as a province. Brittany has also been referred to as Less, Lesser or Little Britain...
. It shares its name with the rock on which it was erected between 1867 and 1881.
Ar Men is one of the best known lighthouses because of its isolated situation and the considerable difficulties its construction has presented, and the danger in evacuating its personnel. Considered as one of the most challenging workplaces by the community of lighthouse keepers, it has been named "The Hell of Hells".
The light was automated and electrified on 10 April 1990 with a 250 watt halogen lamp. Its signal is three white flashes every twenty seconds, with an accompanying signal of three sounds every sixty seconds.
Un phare mythique
Ar-Men est l'un des pharePhare
The Phare programme is one of the three pre-accession instruments financed by the European Union to assist the applicant countries of Central and Eastern Europe in their preparations for joining the European Union....
s les plus connus, en raison de son caractère isolé, des difficultés considérables qu'a présenté sa construction et du danger qu'il y avait à relever son personnel. Dans le petit monde des phares en mer, dont font partie notamment Kéréon, La Vieille
La Vieille
La Vieille is a lighthouse in the département of Finistère at the commune of Plogoff, on the northwest coast of France. It lies on the rock known as Gorlebella , guiding mariners in the strait Raz de Sein, across from the companion lighthouse Tourelle de la Plate—also known as Petite Vieille...
ou encore La Jument, c'est sans doute le plus mythique. Considéré comme un lieu de travail extrêmement éprouvant par la communauté des gardiens de phare, il a été surnommé par ces derniers « L'Enfer des Enfers » . Il n'était pas rare que, dans des conditions difficiles de mer et de vent, on ne puisse pas relever les équipes tous les 15 jours comme de normal. Les coups de boutoir portés par la grande houle pendant les tempêtes faisaient trembler tout l'édifice et pouvaient faire tomber tout ce qui était accroché aux murs, rendant ces périodes particulièrement insupportables pour les gardiens.
L’impossible projet
On peut faire débuter l'histoire du phare d'Ar-Men dans la nuit du 23 au 24 septembre 1859, avec le naufrage tragique de la frégate impériale Sané sur les rochers de la Chaussée de Sein. Bien connue des marinMarin
-Places:*Marin, Haute-Savoie, a commune in France*Le Marin, a commune in the French overseas department of Martinique*Marín, Nuevo León, a town and municipality in Mexico*Marín, Pontevedra, a municipality in Galicia, Spain*Marin County, California...
s, cette zone de récifs qui s’étend sur près de 13 milles nautiques (24 km) à l’ouest de l’île de Sein
Île de Sein
The Île de Sein is a French island in the Atlantic Ocean, off Finistère, 8 kilometres from the Pointe du Raz , from which it is separated by the Raz de Sein. Its Breton name is Enez Sun...
est excessivement dangereuse. À l’époque de ce drame, aucun balisage
Balisage
Balisage is, most commonly in military applications, the use of dim lighting to enable navigation while not giving away one's position to the enemy....
n’existe, excepté un alignement établi entre les phares de la Pointe du Raz
Pointe du Raz
The Pointe du Raz is a promontory that extends into the Atlantic from western Brittany, in France. The local Breton name is Beg ar Raz. It is the western point of the commune of Plogoff, Finistère....
et de Sein, depuis 1825. Mais ce repère ne signale que l’orientation de la Chaussée et, par mauvais temps, la portée des feux est insuffisante pour être d’un quelconque secours.
Les protestations indignées des maréchaux à la suite de la disparition de la Sané vont achever de convaincre la commission des phares, au sein du ministère des Travaux Publics, de l'urgence d’établir un feu à l’extrémité ouest de la Chaussée. L’installation d’un bateau-feu étant impossible, à cause de la violence de la mer à cet endroit et de la trop grande profondeur d’eau (plus de 70 mètres), c’est sur le projet de construction d’un phare
Phare
The Phare programme is one of the three pre-accession instruments financed by the European Union to assist the applicant countries of Central and Eastern Europe in their preparations for joining the European Union....
que commencent alors à travailler les ingénieurs de la commission.
La recherche d’un site propice à une telle construction débute dès l’année 1860. Trois roches situées à l’extrémité occidentale de la Chaussée de Sein sont repérées, dont l’une qui porte le nom d’Ar-Men. Cependant, aucune d’elles n’émerge suffisamment au-dessus des flots pour qu’il paraisse envisageable d’y construire quoi que ce soit. Ar-Men pourrait peut être offrir une assise suffisante (surface de 105 m²) et s’élève tout de même à 4,2 mètres au-dessus des plus basses eaux, mais il paraît impossible d’y accoster.
L’année suivante, une autre campagne de repérage est effectuée sur la Chaussée à l’occasion des grandes marées de l’équinoxe
Equinoxe
Équinoxe was the second major-label album release by French musician Jean Michel Jarre, released on Disques Dreyfus in late 1978....
de printemps. Mais l’équipe d’ingénieurs, embarquée à bord du Souffleur, rentre bredouille de ses trois sorties au large de l’île de Sein
Île de Sein
The Île de Sein is a French island in the Atlantic Ocean, off Finistère, 8 kilometres from the Pointe du Raz , from which it is separated by the Raz de Sein. Its Breton name is Enez Sun...
, avec la ferme conviction que .
En dépit des qualificatifs utilisés dans ce rapport, la direction de la commission des Phares ne veut pas renoncer à ce projet. De nouvelles opérations de reconnaissance sont effectuées, et finalement, en procédant par éliminations successives, les ingénieurs impliqués dans ces études se persuadent que la roche appelée Ar-Men offre la moins mauvaise solution… Toutefois, lorsqu’en 1865, leur confrère Paul Joly se rend sur les lieux pour commencer à préparer les travaux, il ne parvient qu’à entrevoir le rocher, noyé en permanence sous l’écume, et conclut son rapport d’expédition en ces termes : .
Pourtant, la Marine
Marine
Marine may refer to:* Marine , a member of the military in an infantry or amphibious force under the authority of a navy, or in several cases, of an independent amphibious force...
insiste et dépêche sur la Chaussée de Sein l’ingénieur hydrographe Ploix qui, tout en reconnaissant l’incroyable difficulté du projet, se montre plus optimiste quant à la possibilité de bâtir un phare sur Ar-Men. Son rapport emporte finalement l’adhésion des ingénieurs de la commission des Phares, et au mois d’août 1866, Paul Joly retourne à ArMen, dont il revient avec des croquis qui lui permettent de préparer le chantier de construction du phare. Dès lors, il n’y aura plus de retours en arrière, en dépit des problèmes considérables qu’il faudra résoudre en cours de chantier.
Un travail lent et dangereux
Les travaux commencent véritablement en 1867. La première étape consiste à percer des trous dans la roche, pour y sceller des barres de fer qui serviront à fixer la maçonnerie. Pour ce faire, Paul Joly a recruté (difficilement) et entraîné une équipe de SénansÎle de Sein
The Île de Sein is a French island in the Atlantic Ocean, off Finistère, 8 kilometres from the Pointe du Raz , from which it is separated by the Raz de Sein. Its Breton name is Enez Sun...
, qu’une chaloupe à vapeur conduit à Ar-Men dès que le temps et la marée sont favorables. Équipés d’espadrilles antidérapantes et de ceintures de sauvetage en liège, ces ouvriers d’occasion débarquent sur la roche par équipes de deux, et sont souvent contraints de s’y coucher pour ne pas être emportés par les vagues qui déferlent sur eux. Un canot reste en permanence à proximité pour récupérer les malheureux qui, de temps à autre, sont jetés à la mer. Le bilan de cette première campagne est maigre : 100 heures de service, 13 débarquements ajournés, 9 réussis, 8 heures de travail effectif sur la roche, 15 trous percés. L'année suivante, en 1868, le chantier progresse plus vite, grâce notamment à un temps clément et un conducteur de travaux particulièrement intrépide. Cette fois, à la faveur de 17 débarquements (18 heures de travail effectif), 40 trous sont percés et une rigole circulaire est creusée dans la roche, pour y encastrer la base de la maçonnerie.
Les premières pierres — des moellons de Kersanton — sont posées en mai 1869. Le ciment est préparé à l'eau de mer. À la fin de la saison, en octobre, 25 mètres cubes de maçonnerie s'élèvent sur Ar-Men, ce qui donne une moyenne d'un mètre cube par accostage, pour un total de 42 heures et 10 minutes de travail effectif. Ces beaux résultats sont d'autant plus méritoires que la tâche reste très dangereuse. Un marin reste constamment posté sur la roche avec pour seule mission de surveiller l'arrivée d'éventuelles déferlantes. Cela dit, le jeune ingénieur en charge du chantier, Alfred Cahen, est alors persuadé que le projet de construction sera mené à son terme. La suite de l'histoire lui donne raison, même si certaines années les accostages sont à peine plus nombreux qu'au début des travaux, et qu'il faut bien souvent refaire, en début de saison, ce que les tempêtes hivernales ont détruit ou abîmé.
Étonnamment, très peu d'accidents graves sont à déplorer. En fait, plusieurs drames sont évités de justesse, grâce sans doute à la compétence des marins engagés dans les opérations. C'est ainsi par exemple que le 15 juin 1878, alors que la mer commence à grossir dangereusement, un canot évacuant 14 ouvriers est renversé par une lame
Lame
Lame may refer to:* Lameness , lameness in horses* LAME, MP3 encoder* "Lame" , song by Unwritten Law* Licensed aircraft maintenance engineer...
. Malgré le mauvais temps, tous les naufragés sont pourtant récupérés et se retrouvent dès le lendemain sur le chantier ! Un an après cet épisode, un autre groupe d'ouvriers est contraint de sauter à la mer pour rejoindre les canots qui ne peuvent plus accoster le rocher, à cause de hautes vagues qui ont fait soudainement leur apparition. En juillet 1880, un canot transportant 5 hommes est à nouveau renversé au pied du phare. Là encore, tous ses occupants sont récupérés. L'année suivante cependant, deux ouvriers sont à leur tour enlevés par une déferlante, alors qu'ils sont sur le canot qui les conduit au phare : l'un d'eux se noie, n'ayant pas "capelé" sa ceinture de sauvetage correctement. La chance n'a donc pas souri jusqu'au bout aux bâtisseurs d'Ar-Men.
Enfin, au terme de 14 années de travaux, le feu est testé le 18 février 1881, puis officiellement mis en service le 30 août de la même année. Toutefois, l'épopée de la construction n'est pas terminée. Les ingénieurs de la commission des Phares sont en effet inquiets : jamais ils n'ont construit pareille tour
Tour
Tour may refer to:* Tourism, travel for pleasure* Concert tour, series of performances in different markets* Tour of duty, a period of time spent in military service...
, presque simplement posée sur un rocher à peine plus large que la base du phare. Leur préoccupation est la suivante : le bâtiment est-il suffisamment stable, compte tenu de sa hauteur ? Ne risque-t-il pas d'être renversé par les vagues énormes qui l'assaillent lors des tempêtes ?
Au bout de quinze ans, Léon Bourdelles, directeur des Phares, met fin à ces inquiétudes : il décide de lancer des travaux visant à alourdir l'édifice et à en renforcer la base, après avoir fait refaire des calculs de stabilité qui montrent que le phare est effectivement trop léger. Commencé en 1897, le chantier ne s'achève qu'en 1902. Cette fois, l'édification du phare d'Ar-Men peut être considérée comme achevée. Et cent ans plus tard, la tour noire et blanche continue d'éclairer la terrible Chaussée de Sein, témoignant de la qualité extraordinaire du travail accompli par ses bâtisseurs.
Un quotidien très réglé
Avant l'automatisation, à Ar-Men comme sur tous les autres phares, l'allumage et l'extinction du feu, planifiés à la minute près, constituaient les deux principaux événements de la vie quotidienne des gardiens. Ceux-ci étaient en permanence deux à habiter sur le phare, et se relayaient pour assurer des "quartQuart
The quart is a unit of volume equal to a quarter of a gallon, two pints, or four cups. Since gallons of various sizes have historically been in use, quarts of various sizes have also existed; see gallon for further discussion. Three of these kinds of quarts remain in current use, all approximately...
s", 24 heures sur 24.
Pendant les quarts de nuit (les plus longs : 9 à 10 heures), le travail consistait en priorité à veiller au bon fonctionnement du feu dans la lanterne, mais aussi à observer l'horizon
Horizon
The horizon is the apparent line that separates earth from sky, the line that divides all visible directions into two categories: those that intersect the Earth's surface, and those that do not. At many locations, the true horizon is obscured by trees, buildings, mountains, etc., and the resulting...
maritime. Cette activité de surveillance nocturne était essentielle : elle devait permettre de repérer d'éventuels navires en détresse, de s'assurer que les phare
Phare
The Phare programme is one of the three pre-accession instruments financed by the European Union to assist the applicant countries of Central and Eastern Europe in their preparations for joining the European Union....
s et signaux lumineux alentour fonctionnaient correctement et que la visibilité restait suffisante pour que le feu soit perçu. Lorsqu'un incident de quelque importance était repéré, concernant un navire ou un phare voisin, le veilleur devait donner l'alerte par radio (installée dans les années 50). Quand c'est la brume qui s'installait, il fallait alors mettre en marche le moteur du signal sonore. Il semble que la vie dans le phare n'était jamais plus insupportable que pendant les moments où la très puissante corne de brume était en action.
Si les quarts de nuit se déroulaient pour l'essentiel dans la chambre de veille, sous la lanterne
Lanterne
Lanterne are a type of pasta.The name derives from the Italian for oil lanterns.Lanterne have deep ridges and are curved in a lantern shape....
, les quarts de jour (plus courts : 5 à 6 heures) n'exigaient pas une surveillance aussi attentive et pouvaient être mis à profit pour effectuer l'indispensable entretien des équipements et du bâtiment. Les gardiens devaient être capables de réparer à peu près tout et n'importe quoi sur le phare. En fait, il fallait d'abord qu'ils soient attentifs à repérer et changer le matériel vieillissant, pour prévenir les pannes, celles surtout qui touchaient au fonctionnement du feu et de l'optique.
Modernisation oblige, à partir des années 50, une formation d'électromécanicien était nécessaire pour occuper le poste. Délivrée à Brest, au "Centre de formation des électromécaniciens de phares", cette formation comprenait notamment des sessions portant sur l'électricité, la mécanique, la radiotéléphonie ou encore la soudure... À lui seul, le programme donne une bonne idée du genre d'interventions que devaient effectuer les gardiens. Il semble par ailleurs que l'une de leurs activités d'entretien les plus fréquentes ait été la peinture. Jean-Christophe Fichou cite à ce propos la remarque ironique d'un gardien : « C'est un peu comme dans la Royale, tu salues tout ce qui bouge et tu peints le reste ! » . Mais au quotidien, il fallait surtout nettoyer rigoureusement la lentille de l'optique, les vitres de la lanterne et les cuivres de la lampe.
Pour le reste, le gardien qui n'était pas de quart jouissait d'une totale liberté, sur un territoire il est vrai assez restreint et avec des sources de distraction limitées. Il pouvait ainsi tenir compagnie à son collègue, pêcher sur la plate forme si le temps le permettait, faire la cuisine (des recettes de gardiens d'Ar-Men sont passées à la postérité), écouter la radio, lire, communiquer par radio avec sa famille (tolérance de l'administration des Phares et balises), préparer du matériel de pêche, fabriquer des bateaux en bouteille (activité traditionnelle des gardiens de phares), ou même tricoter. La télévision a évidemment pris une grande place dans le quotidien de ces hommes isolés, lorsqu'elle a fait son apparition.
Les conditions de confort sur Ar-Men étaient par ailleurs très spartiates. Le phare n'était pas chauffé. L'éclairage intérieur s'effectuait, pendant fort longtemps, à la lampe à pétrole. Il n'y avait évidemment pas de salle de bain, mais chaque gardien avait tout de même sa chambre à coucher. À part la chambre de veille, la cuisine était la seule autre pièce commune habitable de la tour.
Histoires de gardiens
La monotonie du quotidien était toutefois régulièrement rompue par toutes sortes d'événements plus ou moins inattendus.Il y avait tout d'abord les tempêtes, qui obligeaient les gardiens à s'enfermer à l'intérieur de la tour pendant parfois plusieurs jours. La violence des vagues et du vent leur interdisaient même d'ouvrir une fenêtre ou de sortir sur la galerie entourant la lanterne (à plus de trente mètres au-dessus du niveau de l'eau !) Il fallait supporter les coups sourds et les vibrations causées par chaque lame déferlant sur le phare, sans trop penser à l'éventualité que l'une de ces vagues énormes emporte la tour
Tour
Tour may refer to:* Tourism, travel for pleasure* Concert tour, series of performances in different markets* Tour of duty, a period of time spent in military service...
, comme le craignaient ses architectes.
Après le passage de la tempête, il n'était pas rare d'avoir des réparations à effectuer : un carreau cassé à une fenêtre, une vitre de la lanterne
Lanterne
Lanterne are a type of pasta.The name derives from the Italian for oil lanterns.Lanterne have deep ridges and are curved in a lantern shape....
fêlée, des pierres arrachées au pied de la tour ou même la cuisine dévastée par l'eau, après que la porte du phare ait été enfoncée par une vague. Pourtant, cette pièce était pratiquement située à mi-hauteur du phare, au-dessus du magasin. Sa fenêtre était en verre dépoli épais et un panneau de bronze la protègeait par mauvais temps. C'est dire la force des éléments auxquels Ar-Men devait, et doit encore, faire face.
Et puis, il y a eu les accidents, parfois graves. En 1921, le gardien-chef Sébastien Plouzennec est emporté par une lame
Lame
Lame may refer to:* Lameness , lameness in horses* LAME, MP3 encoder* "Lame" , song by Unwritten Law* Licensed aircraft maintenance engineer...
, alors qu'il observe à la jumelle, au pied de la tour, un navire croisant dans les parages de la Chaussée de Sein. À la suite de ce drame, un garde-fou est installé tout autour de la plate-forme et du débarcadère. Néanmoins, d'autres gardiens connaissent la même fin tragique au cours du . Pour le gardien présent sur le phare au même moment, un tel accident constitue un véritable traumatisme, d'autant que des soupçons peuvent parfois finir par peser sur lui, si d'aventure ses relations avec le disparu étaient réputées mauvaises.
En décembre 1923, ce n'est pas de la mer que vient le danger, mais d'un incendie dans la cuisine. La tour se transforme rapidement en vaste cheminée et il n'y a pas d'autre solution pour les gardiens, alors en train de procéder à l'allumage du feu dans la lanterne, que de fuir par l'extérieur en se servant du cable du paratonnerre et du cartahu pour descendre sur la plate-forme. De là, ils parviennent à regagner la cuisine et finalement à vaincre le feu à l'aide de seaux d'eau de mer.
Comme sur tous les phares en mer, il y a également les histoires d'inimitiés entre gardiens. À Ar-Men, du temps où le phare était gardé par trois hommes (avant la Seconde Guerre mondiale), on raconte qu'un gardien exaspéré par ses deux collègues s'était caché dans le haut d'un placard mural, pour faire croire à sa disparition. Après d'infructueuses recherches, les deux hommes réunis dans la cuisine commencèrent à faire l'éloge de celui qu'ils croyaient mort, emporté par une vague. L'intéressé se manifesta alors. Il fut dénoncé par ses collègues furieux, et perdit son emploi.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les gardiens d'Ar-Men durent accueillir en permanence sur le phare trois soldats allemands. L'occupant avait imposé l'extinction pure et simple de la plus grande partie des phares français, manière radicale d'en prendre le contrôle. À Ar-Men, le feu ne devait être allumé que lors du passage de bâtiments de la marine
Marine
Marine may refer to:* Marine , a member of the military in an infantry or amphibious force under the authority of a navy, or in several cases, of an independent amphibious force...
allemande dans les environs de la Chaussée de Sein ; les soldats en poste étant informés par radio de ces mouvements. En dépit de l'ambiance exécrable qui régnait alors sur le phare, l'un des gardiens sauva de la noyade un soldat qui s'était jeté à l'eau pour récupérer le cormoran
Cormoran
Cormoran , also recorded as Cormilan, Cormelian, Gormillan, or Gourmaillon, was a legendary Cornish giant said to live in a cave on St Michael's Mount and terrorize the people of Penwith . He is best known as the first giant killed by Jack in the fairy tale "Jack the Giant Killer"...
qu'il venait d'abattre avec son fusil d'assaut.
Mais les visiteurs n'étaient pas toujours indésirables. Par grand beau temps, il arrivait que l'équipage de la vedette
Vedette
The French military term vedette , also spelled vidette, migrated into English and other languages to refer to a mounted sentry or outpost, who has the function of bringing information, giving signals or warnings of danger, etc., to a main body of troops...
de ravitaillement puisse monter sur le phare et partager un verre avec les gardiens, à tour de rôle cependant. Parfois même, en été, en cours de relève, une femme utilisait le cartahu pour passer quelques minutes sur ce territoire exclusivement masculin et égayer ainsi de sa présence l'austère demeure.
Les périls de la relève
Sauf conditions de mer exceptionnelles, les bateaux des "Phares et balises" en charge du ravitaillement et de la relève n'accostaient pas Ar-Men. Un va-et-vient était établi entre le phare et le mât du bateau, puis hommes et paquets étaient halés à quelques mètres au-dessus des flots à l'aide d'un treuil manipulé par les deux gardiens installés sur la plate-forme, au pied de la tour. On parle de la technique du cartahu, qui exigeait de la part de l'équipage du bateau de liaison beaucoup d'habileté, de connaissance de la mer et de courage.À Ar-Men, la vedette devait idéalement se présenter au pied du phare trois quarts d'heure avant l'étale
Étale
In mathematics, more specifically in algebra, the adjective étale refers to several closely related concepts:* Étale morphism** Formally étale morphism* Étale cohomology* Étale topology* Étale fundamental group* Étale space* Étale group scheme...
. Il s'agissait alors d'établir le va-et-vient, puis d'effectuer le transbordement des hommes et des vivres, en veillant à la stabilité du bateau et à la sécurité du ravitaillement ou de l'homme suspendu au-dessus de l'eau. Pour ce faire, il fallait maintenir la proue du navire face à la houle
Houle
Houle is a surname, and may refer to:* David Houle , evolutionary biologist* Eric Houle , Arena Football League kicker* Jocelyne Houle , Quebec politician and businesswoman...
qui déferlait sur le phare, sans s'écarter de celui-ci. Attentif au déroulement de chaque série de vagues, le pilote pouvait être obligé de lancer la vedette de toute la force de ses moteurs en direction de la base du phare, pour résister à la poussée des plus grosses lames.
Pendant plusieurs décennies, la relève d'Ar-Men a été assurée par la Velléda
Velleda
Veleda or Velleda may refer to:* Veleda, a priestess and prophet of the Germanic tribe of the Bructeri* 126 Velleda, an asteroid* Velleda, a work by Benedikte Naubert* Velleda, a registered trademark of Société Bic...
, commandée par Henri Le Gall, un véritable maître en la matière. Pourtant, même sous la direction de celui-ci, la manœuvre pouvait être mouvementée, comme le rappelle ce passage du récit qu'a consacré l'écrivain Jean-Pierre Abraham à son séjour sur Ar-Men :
« Lorsque j"ai quitté le pont de la Velléda, le va-et-vient n'a pas été viré assez vite et je suis passé longuement dans une vague, les matelots criaient. J'ai atterri dégoulinant sur le débarcadère. À travers mes lunettes brouillées d'eau je voyais les visages fantastiques de Clet et de Martin, parfaitement livides. L'eau est moins froide qu'on l'imagine. Nous avons éclaté de rire tous les trois. »
Comme sur tous les phares en mer, l'équipe de gardiens affectée à Ar-Men comptait trois membres : deux en service et un au repos à terre (sur l'île de Sein
Île de Sein
The Île de Sein is a French island in the Atlantic Ocean, off Finistère, 8 kilometres from the Pointe du Raz , from which it is separated by the Raz de Sein. Its Breton name is Enez Sun...
en l'occurrence, où un logement leur était réservé au "Grand Monarque", maison appartenant aux Phares et balises). Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, chacun à son tour passait trente jours au phare et dix jours à terre. Ensuite, ce fut vingt jours au phare et dix jours à terre. À partir de 1971, le temps de service a été fixé à quatorze jours, suivi d'une période de repos de sept jours. Évidemment, ces règles n'étaient appliquées que dans la mesure où les conditions de mer le permettaient. À Ar-Men, il était fréquent que la relève doive être annulée à cause du mauvais temps. Et cela pouvait durer un bon moment : le record de temps passé sur le phare par un gardien est de plus de 100 jours...
"Temps permettant" donc, selon l'expression utilisée par les gardiens et les équipages du bateau de ravitaillement, la relève d'Ar-Men, à partir de 1971, avait lieu le jeudi en hiver et le vendredi en été. Aidé par les matelots de la vedette, c'est d'abord le gardien "montant", équipé d'une brassière de sauvetage et assis à califourchon sur le "ballon", qui utilisait le va-et-vient. Une fois sur la plate-forme du phare, il remplaçait au treuil le gardien "descendant" qui, à son tour, utilisait le "ballon" pour rejoindre le pont de la vedette, où les matelots s'efforçaient de lui offrir un "atterrissage" pas trop acrobatique. Ensuite, on passait les vivres et le matériel. Puis, pour finir et si nécessaire, on effectuait le plein d'eau, de pétrole et de gazole.
La dernière relève d'Ar-Men a eu lieu le 10 avril 1990. Daniel Tréanton et Michel Le Ru, les deux gardiens en service ce jour là, ont été hélitreuillés. Depuis l'automatisation, les visites d'entretien du phare s'effectuent par hélicoptère. Une fois par an des plongeurs inspectent la base du phare.
Fiche technique
Architecture- Hauteur au-dessus de la mer : 33,50 m.
- Taille générale : 37 m.
- Hauteur de la focale : 33,50 m.
- Bâtiment : tour tronçonique en maçonnerie de pierre de taille de grès et de granite blanchie dans sa partie haute, peinte en noir dans sa partie inférieure, avec deux abris en maçonnerie lisse accolés, l’un au Nord-Est, l’autre à l’Est, à la partie inférieure, sur un soubassement de forme irrégulière en maçonnerie de pierres apparentes. Fût terminé par une corniche supportant une rambarde métallique. On accède à la lanterne par un escalier en vis avec jour. Le toit de la lanterne est en zinc. (Description de l'inventaire des phares français, Ministère de la Culture, 2001).
Optique
- 31 août 1881 : feu fixe blanc. Optique de 0,70 m. de focale.
- 1 janvier 1892 : feu fixe varié par de courtes occultations toutes les 5 secondes. Optique de 0,70 m. de focale.
- 1 octobre 1897 : feu à 3 éclats toutes les 20 secondes. Optique de 0,70 m. de focale. Cuve à mercure installée la même année.
- 10 avril 1990 : feu blanc à 3 éclats groupés toutes les 20 secondes. Optique tournante de 6 panneaux au 1/6. Optique de 0,25 m de focale.
- La portée actuelle du feu est de 23,5 milles nautiques.
Feu
- Gaz d'huile : 1 octobre 1897 (fabriqué à l’île de Sein).
- Vapeur de pétrole : 1903.
- Electrification (lampe halogène de 250 w) : 1990.
- Automatisation : 1990.
Signal sonore
- Vibrateur ELAC-ELAU 2200 : 3 sons toutes les 60 secondes.
Histoire
- Jean-Christophe Fichou, Noël Le Henaff, Xavier Mével, Phares. Histoire du balisage et de l'éclairage des côtes de France, Douarnenez, Éditions Le Chasse-Marée/Armen, 1999, 451 pages.
- Récit de la construction d'Ar-Men sur un site Internet consacré à l'histoire des phares de France et créé par Jean-Christophe Fichou.
- Inventaire des phares de France par le Ministère de la culture
Littérature
Le côté exceptionnel de ce phare, son isolement et son histoire ont inspiré de nombreux auteurs. Un seul toutefois a exploré son sujet de l'intérieur, si l'on peut dire : l'écrivain Jean-Pierre Abraham, qui fut gardien de phare à Ar-Men de 1959 à 1963.- Jean-Pierre Abraham, Armen, Le Tout sur le tout, 1988 [1 édition 1967]. Journal de bord poétique d'un hiver à Ar-Men.
- Jean-Pierre Abraham. "Velleda mon amour", in Au plus près, Le Seuil, 2004. Récit par Abraham de son évacuation du phare en urgence, à cause d'une crise d’appendicite.
- Henri Queffélec. Un feu s'allume sur la mer, 1956. Roman dont la construction du phare d'Ar-Men forme le contexte.
- RachildeRachildeRachilde was the nom de plume of Marguerite Vallette-Eymery, a French author who was born February 11, 1860 in Périgueux, Périgord, Dordogne, Aquitaine, France during the Second French Empire and died on April 4, 1953....
, La Tour d'amour, Le Tout sur le tout, 1980 [1 édition1899]. Étrange roman paru à la fin du et qui a pour cadre le phare d'Ar-Men.
Audiovisuel
- Le phare d'Ar-Men, Pathé Journal de 1937
- La Mer et les Jours, documentaire réalisée en 1958 par Raymond Vogel et Alain Kaminker ; chronique de l'île de Sein, avec des images de la relève d'Ar-Men. Alain Kaminker s'est d'ailleurs noyé au cours du tournage de ces images.
- Le phare d'Ar-Men, dans "Les coulisses de l'exploit", en 1963 ; l'émission présente un portrait de Jean-Pierre Abraham, alors jeune gardien d'Ar-Men.
Liens externes
- Ar-Men
- Photographies d'Ar-Men sur le site Internet d'un amateur de phares.
- Photographies d'Ar-Men sur le site Internet du magazine de la mer, Thalassa.